LES ECHOS - FRANK NIEDERCORN
La rumeur courait depuis l'été dernier. Castel voulait s'offrir une grande propriété. C'est fait. Vendredi, le groupe a annoncé l'acquisition de Château-Beychevelle. Complexe, l'opération a sans doute été âprement négociée, tant sur le prix, non révélé, que sur le montage. Elle porte d'abord sur la société Grands Millésimes de France jusqu'à présent détenue par GMF (53 %), l'assureur belge Ethias (10 %) et Suntory (37 %). Ce dernier profite également de l'opération pour monter au capital. Suntory en détiendra du coup 50 %, tout comme Castel.
Le joyau c'est évidemment cette propriété, surnommée « le Versailles du Médoc », un grand cru classé de l'appellation saint-julien qui possède 90 hectares de vignes et vient couronner la quinzaine de propriétés que le groupe, fondé par Pierre Castel (quatre-vingt-trois ans), possède déjà dans le Bordelais. Dans la corbeille on trouve également le Château-Beaumont (114 hectares en Haut Médoc) et surtout la société de négoce Barrière Frères, très bien implantée sur la vente des grands crus. Pour le groupe Castel, numéro un du vin en France (environ 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires), surtout positionné sur les produits d'entrée de gamme de grand volume grâce à l'achat de raisins ou de vin en vrac, c'est un achat important qui lui permet d'accentuer ses efforts à l'export. Il y a quelques mois Castel avait d'ailleurs déjà acheté Barton & Guestier, un autre négociant bien implanté notamment aux Etats-Unis.
« Acquisition stratégique "
« C'est pour Castel une acquisition stratégique qui lui permet d'étendre son offre en montant en gamme. Pierre Castel décline à l'export la stratégie gagnante d'intégration qu'il a menée en France en maîtrisant la chaîne de production, depuis l'amont jusqu'à l'aval. L'acquisition d'un négociant réputé est, de ce point de vue, importante, car elle lui donne la légitimité sur les marchés étrangers ", estime Jacques-Olivier Pesme, professeur à BEM (Bordeaux Management School).
L'attelage avec le japonais Suntory, propriétaire de Château-Lagrange, un grand cru de saint-émilion et partenaire de Castel au Japon, est toutefois inhabituel. « C'est probablement provisoire et je ne vois pas ce genre d'accord, dans lequel personne n'a le contrôle, perdurer », précise Jacques-Olivier Pesme. Par ailleurs, le groupe Castel a profité du retrait des assureurs pour compléter ses emplettes avec trois propriétés : Tour-Saint-Christophe (saint-émilion grand cru), Tour-Musset (montagne saint-émilion) et Château-Haut-Caplane (sauternes). Celles-ci appartenaient au groupe Covéa, qui réunit MAAF, MMA et GMF, qui s'est également débarrassé du Savour Club, un spécialiste de la vente de vins par correspondance, créé en 1964, mais qui n'a jamais vraiment réussi à prendre le virage de l'Internet et qui possède une douzaine de magasins en franchise.
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