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Observations du marché
Un Chinois rachète Chenu Lafitte
08/11/2010


C'est le second achat d'une propriété bordelaise par des Chinois. Son nom a attiré un milliardaire qui en a fait cadeau à son fils.

La première propriété achetée par des Chinois en Gironde s'appelle le château Latour Laguens. C'était en 2008, au fin fond de l'Entre-deux-Mers (en AOC Bordeaux) et la famille Cheng (société Longhai International) avait fait le chèque. La deuxième est le château Chenu Lafitte, à Bourg, en Haute Gironde.

Leur point commun ? Il semble sauter aux yeux… Les deux entités, localisées dans des AOC non prestigieuses, comportent cependant deux des noms les plus connus de l'univers viticole : les châteaux Latour et Lafite (un seul t) Rothschild étant deux crus classés de Pauillac. Le top du top. Ce dernier château, pour des raisons jamais vraiment explicitées, jouit même en Chine d'une aura quasi mystique.

« Comme une marque magique. Il arrive même que des Chinois souhaitent commander des milliers de bouteilles… ignorant qu'il s'agit d'une propriété viticole aux contours précis, liée à un terroir, et non d'une marque comme Gucci ou Hermes qui peuvent faire des montres ou des foulards sans limite », confirme un négociant spécialiste de ces marchés.


40 ha et un beau château

« De nombreux investisseurs potentiels chinois tournent depuis deux ans dans le Bordelais à la recherche de propriétés. Il est toujours difficile de savoir qui est derrière et le type de bien réellement recherché », confie un spécialiste des transactions viticoles.

« Ce château nous a intéressés et l'objectif est de vendre notre vin sur le marché chinois », explique Guolong Yin. Plutôt taiseux, l'homme vient de prendre depuis le 1er avril la direction du château Chenu Lafitte. Une marque jusqu'alors endormie qui ressort donc à la surface des marchés grâce à son magnifique nom.

« Château Chenu Lafitte est une vieille marque que nous avions en portefeuille. Nous l'utilisions (peu) pour quelques marchés à l'exportation », explique Philippe Darricarrère, le propriétaire du château Mille Secousses, à Bourg. C'est lui qui a vendu 40 ha de vigne et une bâtisse magnifique aux investisseurs chinois.

« Venue d'Algérie où nous étions viticulteurs, notre famille est installée au château Mille Secousses depuis 1956. Étant en difficulté financière, le Crédit Agricole, notre banque, nous a lâchés. Ne nous faisant plus confiance, elle nous a obligés à vendre le navire amiral de notre patrimoine », détaille, ému, l'homme âgé de 60 ans.

Voila comment la propriété de Mille Secousses, vin jouissant d'une belle notoriété, se retrouve désormais partagée en deux. Sur un total initial de 82 ha, Philippe Darricarrère en garde 42 et continuera à y produire son vin. De leur côté, les investisseurs chinois en récupèrent donc 40 ha pour y produire leur château Chenu Lafitte ; ainsi que des bâtiments techniques et la bâtisse où ils espèrent développer l'œnotourisme (chambres d'hôte). Comme c'est aussi le cas à Latour Laguens.

Des stocks de millésimes précédents ayant fait parti de la transaction, les premiers conteneurs de bouteilles sont déjà partis vers l'ex-Empire du Milieu. Sur l'étiquette, les acheteurs ont choisi de mentionner l'AOC Bordeaux alors que les vignes sont classées en côtes de Bourg. Cette dernière AOC est théoriquement plus élevée dans la hiérarchie mais le nom « Bordeaux » est plus connu en Chine.


Bonnes relations

« Bien sûr, la vente fut un moment pénible mais les acheteurs sont des gens droits et corrects. Nous échangeons beaucoup. J'ai dû quitter le château mais j'y retourne souvent », complète Philippe Darricarrère dont la famille exploite par ailleurs, dans le même vignoble, les châteaux Mendoce et Labarde (20 ha de vigne chacun).

Sur l'identité exacte de l'acheteur, comme assez souvent dans ces cas-là, la discrétion est plutôt de mise. Il s'agirait du riche propriétaire d'une compagnie maritime habitant la Chine. Déjà venu sur place, Chenu Lafitte est un cadeau pour son fils âgé de 20 ans. A priori, un très beau cadeau.